Expropriation : Rejet des termes de comparaison de terrain à bâtir
Résumé : De manière récurrente en expropriation, la Direction Immobilière de l’État (ex-Domaine), suivie par le commissaire au gouvernement ainsi que le juge de l’expropriation écartent les termes de comparaison de terrains à bâtir dont l’acte de vente fait état d’un permis de construire, au motif qu’il s’agirait d’une cession de droit à construire. Il convient de remettre en cause cet usage de la Direction Immobilière de l’État, dont les magistrats se sont saisis.
Systématiquement lorsque nous intervenons en expropriation d’un terrain à bâtir, l’expropriant souhaite voir écarter certaines cessions de terrains à bâtir au motif qu’il est fait état des droits à construire dans l’acte de vente.
Nous pouvons notamment citer dans un dossier clôturé, « Rejet des ventes, des charges foncières ou du droit de construire bénéficiant d’un permis de construire : Ce type de termes de comparaison est habituellement écarté compte tenu de la différence de valeur induite par la réalisation des travaux d’aménagement d’une ZAC ou par l’obtention d’un permis de construire ». Dans le cas d’espèce, l’expropriant était en effet un aménageur départemental (SEM) raisonnant à travers ce prisme puisque que dans une ZAC, s’il en a la maîtrise foncière, c’est à l’aménageur de prendre en charge le coût des équipements à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier.
Usuellement, un terrain à bâtir n’a de valeur que par le type et la superficie des constructions que l’on peut y édifier. Par ailleurs, le code de l’expropriation (L 322-3 et L 322-4) prévoit qu’il convient de rechercher à la date de référence la constructibilité de la parcelle et règles d’urbanisme applicables dont les droits à construire découlent. Sa valorisation dépend donc essentiellement des droits à construire qu’il offre. Or, ces derniers ne dépendent que des servitudes d’urbanisme applicables et non du permis de construire, qui n’en est que la traduction et qui doit obligatoirement être délivré par l’autorité compétente, si les dispositions sont respectées.
La cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 11 mars 2008, n° 07/04253) dans une affaire relative à l’expropriation d’un terrain accueillant entrepôts, ateliers et bureaux présents au sein d’une zone d’aménagement concerté du centre-ville notait «qu’en l’absence de COS [on remarquera que le COS a disparu depuis la loi ALUR de 2014] la valeur du terrain ne peut être recherchée qu’en fonction des droits à construire, lesquels sont de 2 750,57 m² SHON ,(…) que cette dernière superficie de 2 750,57 m² doit seule être retenue en l’absence de dépôt d’une demande de permis de construire».
Plus encore, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 2 février 2017 (Cass.3e civ. 2 février 2017, n° 15-27121) :
« Attendu que, pour fixer ces indemnités à une certaine somme, l’arrêt retient que, si les éléments de comparaison contestés par la SEM, constitués par les ventes des 30 novembre 2009 et 26 juillet 2012, sont des terrains à bâtir proches du bien en cause, ces ventes visent en outre expressément les droits à construire attachés à ces parcelles sous forme de surface hors-œuvre nette, qu’il ne peut être discuté que ces droits ont une valeur patrimoniale, qu’en conséquence, s’il n’y a pas lieu d’écarter purement et simplement les chiffres résultant de ces transactions, il conviendra de les modérer pour prendre en considération le fait qu’ils comprennent la valeur des droits à construire ; »,
« […] qu’en se fondant, pour fixer le prix du terrain exproprié, sur le prix de vente de terrains comparables dont elle a déduit la valeur des droits à construire alors que tout terrain constructible est constitué de droits à construire et que le terrain exproprié qualifié de terrain à bâtir comprenait des droits à construire inclus dans le transfert de propriété au profit de l’expropriante, la Cour d’appel a violé les articles L 13-13 du Code de l’expropriation et R111-21 du Code de l’urbanisme ; ».
Dès lors, il ne peut être réfuté que les droits à construire sont attachés au terrain, et que ces derniers sont transférés au profit de l’expropriant lors du transfert de propriété.
En définitive, les valeurs de comparaison propres à des cessions opérées au bénéfice d’acquéreurs ayant obtenu un permis de construire ne peuvent être écartées pour ce seul motif, sauf à soumettre la qualification de « terrain à bâtir » à l’obtention préalable d’un permis, ce que le code de l’expropriation ne fait pas, ne prenant en compte que la situation urbanistique et de viabilisation des terrains (L.322-3 et L322-4 du code de l’expropriation).